Le bourg d'Anizy-le-Château avant 1917

 

        Comme on le voit sur la carte ci-dessous, datant de 1904, au début du XX ème siècle, Anizy-le Château est un un village situé sur le versant nord de la vallée de la rivière Ailette dont le tracé a été largement modifié et rendu rectiligne quand, dans les années 1880, a été creusé le canal de l'Oise à l'Aisne.

       Construit en limite (trait rouge)  de la commune de Pinon, ce village d'environ 1100 habitants, chef lieu du canton, est constitué de maisons collées les unes aux autres et groupées autour de son église et de sa mairie située sur l'emplacement d'un ancien château fort.

      Un château plus récent ouvrant sur un vaste parc entouré de douves et dominant la vallée de l'Ailette a été édifié au sud-est du village. (Lire ici l'histoire des châteaux d'Anizy-le-Château)

 

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         Au début du XX ème siècle, un chef lieu de canton n'a pas qu'un rôle administratif. Il rassemble de nombreux commerces et services qui font de lui un pôle économique qui influe sur la vie quotidienne des villages environnants.

        A partir de 1910, un tramway électrique venant de Tergnier via Saint-Gobain dessert Anizy-le-Château qui est le terminus de la ligne.

        On notera que compte tenu de la situation géographique,  la gare (station) de chemin de fer qui dessert Anizy-le-Château,  ainsi que le port du canal sont situés sur le territoire de Pinon.  La gare porte d'ailleurs le nom de "Anizy-Pinon".

 

Ci-dessous, cliquer sur les photos pour les agrandir.   

   

 

        Sur les photos qui suivent on voit que les éditeurs de cartes postales ne savent pas trop dans quelle localité ils doivent situer la gare et la sucrerie. Anizy-le Château ?  Pinon?  voire Anizy-Pinon? 

       Confusion qui conduit les non-résidents à penser qu'il s'agit d'une seule et même commune. 

        
 

Démantelé au XVIème siècle, saisi comme bien national à la révolution le "vieux" château d'Anizy fut alors partagé puis vendu.

          Construit en bordure du village,  dominant la vallée de l'Ailette, un "nouveau" château fut édifié au XVIème siècle. Mais, au début du XXème siècle, seul le grand corps de logis restauré au XIXèmesiècle est encore en place. 

 

 

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 A Anizy-le-Château: la première guerre mondiale

 

 

        A la fin de 1914,  après une période courte mais sanglante, dite "guerre de mouvement" le front se stabilise. Les troupes s'enterrent dans des tranchées. Elles y resteront jusqu'en 1918.

 

          En 1915 le front se fixe au niveau de l'Aisne. Ce qui fait que les communes situées au nord de cette ligne   se trouvent en zone d'occupation allemande.

 

 

 

     Sur cet extrait d'une carte militaire, on a matérialisé en violet (pointillés puis ligne pleine)  la ligne de front qui s'était stabilisée  en 1915.

 

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      En mars 1917, l'état major allemand raccourcit le front, c'est "l'opération Alberich".

      La ligne bleue du plan qui rejoint la ligne violette au niveau du fort de Condé, correspond au front tel qu'il était dans notre région, juste avant l'offensive Nivelle en avril 1917.

 

     On remarque qu'à ce moment-là, Anizy, Brancourt, Pinon, Allemant, Prémontré ....sont à proximité du front, en zone allemande, tandis que Vauxaillon est en zone française.  

      La zone bleutée correspond à la zone de repli allemand. En se retirant, l'armée allemande a systématiquement détruit les villages qu'elle occupait. C'est là que fut dynamité le château de Coucy.

 

   

 

De 1914 à 1917 Anizy-le-Château est donc occupée par l'armée allemande.

      Seuls les femmes, les enfants et les vieillards sont restés  au pays puisque les hommes en état de combattre ont été mobilisés.

  Le château d'Anizy est "transformé" en hôpital;  les maisons sont occupées par la troupe qui fait travailler la population , se nourrit sur l'habitant et pille le village..

 

 Voir les photos ci-dessous

     

 

     A partir du mois d'avril 1917 et de l'offensive du Chemin des Dames une série de durs combats va entièrement  détruire la quasi totalité des villages placés à proximité du front.  Précédemment, tous les civils avaient dû quitter le village.

 

      

 

Dès la fin des combats des circuits "touristiques" des champs de batailles sont mis en place au départ de Paris.

 

     Mais contrairement à ce qu'indique la légende de cette carte, on présente ici un convoi d'autocars qui sort de Coucy-le-Château et passe devant un groupe de prisonniers allemands.

 

      Il s'agit de véhicules parisiens de la marque "Scemia" : Société de Construction et d'Entretien de Matériel Industriel et Agricole.

 

 

 

 

 

 

   

 

    Sur cette vue, c'est bien  à Anizy-le-Château que le convoi est arrêté.

 

  Les"touristes" descendent, contemplent ce qui reste du village, se promènent au milieu des ruines et écoutent les commentaires des accompagnateurs..

 

 

 

Vous pouvez lire ou télécharger  le récit de l'un de ces voyages en cliquant sur ce texte

 

 

 La Reconstruction

 

      Dès 1919, les premiers habitants reviennent au pays. La village étant entièrement  détruit il faut tout reconstruire. Immédiatement ils se mettent au travail. L'urgence est de déblayer les projectiles, de  dégager les routes et les rues pour pouvoir faire venir les matériaux indispensables et de récupérer tout ce qui peut encore servir.

       D'abord, dans l'urgence, on s'abrite dans les caves ou des abris de fortune que l'on aménage au milieu des ruines. L'état organise ensuite la répartition de baraques en bois, demeures provisoires, que l'on installe où l'on peut avant que ne se créent les coopératives de reconstruction. La reconstruction dura des années. Certaines constructions dites "semi-provisoires" car construites en pierre sont toujours là.

      Contrairement au village voisin (Pinon) qui fut déplacé, Anizy-le Château conserva sa physionomie originelle: un bourg rassemblé autour de sa Mairie et de son église.       

 

 

Deux personnalités sont liées à l'histoire d'Anizy-le-Château.

 

 

    Il s'agit d'abord du Président Paul Doumer, très présent dans la mémoire et la vie des Aniziens puisque la place centrale de la commune porte son nom, qu'une sculpture de son buste marque l'entrée de l'allée des promenades mais aussi que la rue qui fait face à cette statue est dédiée à ses fils, que l'on retrouve nommément gravés sur le monument aux morts de la ville.

 

Cliquer sur le plan ci-dessous


  

         Comment explique-t-on que cet homme, né à Aurillac en 1857, fils d'un père poseur de rails et d'une mère femme de ménage, qui, à force de travail et de cours du soir a pu gravir les échelons de l'échelle sociale qui l'ont conduit à la Présidence de la  République en 1931 a lié une partie de sa vie à l'Histoire d'Anizy-le-Château.    

 

        Ce sont d'abord le journalisme,  puis la politique qui firent venir Paul Doumer dans l'Aisne, département de sa belle famille.

          Après avoir exercé la fonction de gouverneur d'Indochine (de 1997 à 1902) Paul Doumer est élu comme député à Laon. Souhaitant que son action nationale se double d'une action locale, il choisit de s'installer à Anizy-le-Château qui offre des possibilités faciles d'accès à Paris.

 

    Il loue une vaste propriété au lieudit Saint-Rémy. Il y trouve le repos qu'il recherche pour lui-même et sa famille.

      En 1904, il achète la propriété, qu'il complète en 1905 par l'acquisition d'un terrain planté d'arbres fruitiers.

       Cette même année, Paul Doumer est élu au conseil municipal d'Anizy-le-Château et conseiller général du canton.

  

     Bien que sa maison fut détruite en 1917 et que sa famille ait choisi de résider à Cosnes-sur-Loire, Paul Doumer continua d'exercer ces mandats jusqu'à son élection à la Présidence de la République en 1931.

      C'est une longévité exceptionnelle car à l'époque, les personnalités nationales n'accordaient que peu d'importance aux échelons locaux.


 

       

Le 13 juin 1931,Paul Doumer succède officiellement à Gaston Doumergue

Le  27 juillet de la même année, il effectue dans le Laonnois, son premier voyage officiel.

Il s’arrête à Anizy-le-Château.

 

        Dans l'ouvrage que lui a consacré Michel REB, ancien maire d'Anizy-le-Château, ce moment chargé d'émotion est précisément relaté. Avec l'autorisation de Madame Reb nous présentons ci-dessous le récit de cette journée.

Les photos qui illustrent le texte sont issues d'une collection particulière. Nous remercions le propriétaire de ces clichés.

 

 

Le premier voyage officiel du président de la République

 

 

Paul Doumer a tenu à réserver au département de l'Aisne son premier voyage officiel; un déplacement qu'il a voulu simple, sans honneur militaire, sans réception officielle. La visite d'un ami à une région qui lui a permis d'assurer le début de sa carrière politique, une région dans laquelle son élection locale permanente au Conseil général lui a permis de s'enraciner. Il tenait à rencontrer une dernière fois ses collègues. Leur dire combien il avait apprécié leur collaboration et les remercier pour la confiance qu'ils lui ont accordée en le portant de nombreuses années à la présidence de l'Assemblée départementale.

C'est par une simple annonce du maire de Laon, Henry Lenain, le 26 juillet que la population est invitée à pavoiser en raison d'une prochaine visite du nouveau président de la République.

 

 

 

   Le cortège présidentiel parti de l'Élysée vers 7 h 30 arrivera à Anizy le-Château à 10 heures.

 

Il était attendu par les personnalités du département : Monsieur Graux préfet de l'Aisne ; Lenain maire de Laon, vice-président du Conseil général; Régnier maire d' Anizy; Roussel sénateur; Pétrot conseiller général de Rozoy-sur-Serre ; Doucedame conseiller général de Vailly ; Bornefoy-Sibour ancien Préfet de l' Aisne, aujourd'hui Préfet de Seine-et-Oise; la municipalité d' Anizy et les maires du canton.

 

 

Le service d'ordre était placé sous la responsabi1ité du commandant de gendarmerie Delmée, sans oublier les sapeurs-pompiers du lieutenant Loisel.

 

 

 

 

 

   

        Paul Doumer, qu'accompagnent Messieurs Huymans secrétaire général de la Présidence, et Hanoun directeur-adjoint de son cabinet, se rend au monument dès sa descente de voiture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Moment de recueillement intense

 

 

 

 

 

Le nom des ses fils est gravé sur la pierre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Il se dirige ensuite à pied vers la mairie, acclamé par la foule massée sur son parcours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        

Au pied de l'escalier qui conduit à la salle du Conseil municipal les enfants des écoles sous la conduite de leur institutrice, Mademoiselle Moreau chantent la Marseillaise et une petite fille offre une gerbe de fleurs au président.

 

 

Le cortège étant installé, Monsieur Régnier, Maire, prononce son allocution.

 

      « Monsieur le Président de la République vous avez tenu à réserver le grand honneur de votre première visite en qualité de 1er magistrat de la République, à ce coin de France où la fortune politique a commencé à vous sourire, et à cet humble village des bords de l'Ailette, témoin autrefois d'un bonheur familial souverain et fidèle à la mémoire de vos fils adorés. Anizy et le canton tout entier dont les maires sont ici rassemblés vous en sont profondément reconnaissants. Nous étions accoutumés d'apprécier votre constante prédilection pour ce pays d'adoption et de recueillir vos bienfaits et nous éprouvons une légitime fierté que votre vie, qui est bien le plus noble exemple de labeur, d'énergie, ne comptant que sur lui-même et d'individualisme triomphant soit couronnée par votre accession à la plus haute dignité de l'État. Qu'il me soit permis de vous renouveler au nom de tous vos amis, nos plus respectueuses félicitations et l'hommage de notre absolu dévouement et de vous exprimer nos souhaits d'heureux septennat. Puisse notre France, que vous personnifiez si dignement, traverser sous votre magistrature les épreuves de l'avenir comme celles du passé à sa gloire !

 

 

Paul Doumer répond en quelques mots très cordiaux :

 

 

     « Je vous remercie mon cher ami, je remercie tous ceux qui ont bien voulu se rassembler ici. Je suis très touché au-delà de ce que l'on peut dire, car vous sentez bien. comme le disait mon ami Régnier que je pense surtout à ceux qui ne sont plus ici. C'est leur mémoire que j'évoque chaque fois que je passe devant le monument aux morts. C'est aujourd'hui la première fois depuis que la confiance et l'indulgence de mes collègues du Parlement m’ont appelé à cette magistrature. Ce n'est pas la dernière. Je vous salue tous comme les amis de la première heure, comme ceux qui veulent garder le souvenir de nos fils morts pour la Patrie ».

 

Il fait ensuite le tour de la salle. serre les mains, dit un mot aimable à chacun. 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Paul Doumer se rend ensuite à l'église, nouvellement reconstruite, consacrée 15 jours auparavant par l'évêque de Soissons.

      L'abbé Saintives, curé doyen l'attend en haut du porche.

 

 

 

 

      Ils pénètrent ensemble dans l’ édifice.

 

     Le président découvre un style gothique qui est l'œuvre de l'architecte Victor Dehais de Chauny, de magnifiques vitraux du maître verrier J J. Vosch.

 

 

                 La voiture présidentielle prend la direction de Laon. La voiture s'arrête rue Saint-Remy devant l'emplacement de 1'ancienne demeure de la famille Doumer.

             Le président fait le tour de l'emplacement de la maison.

           Il ne subsiste que des tas de moellons et quelques excavations envahies par de hautes herbes. Monsieur Doumer laisse tomber sur ces ruines deux roses rouges qu'il tenait à la main.

           Les souvenirs lui reviennent à l'esprit : les jeux des enfants à la belle saison, les pages d'écriture réalisées à cet endroit.

          Un reporter parisien du journal Le Matin écrit :

« il y avait naguère une de ces bonnes et solides maisons dont les murailles bâties avec les dures pierres du Laonnois défient le temps ». Rien n'a été épargné par les durs combats de 1917.

 

 

Paul Doumer regagne sa voiture qui repart en direction de Laon.

 

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La seconde personnalité liée à la commune d'Anizy-le-château est

le sculpteur Albert Carrier-Belleuse.

 

 

      Né le 12 juin 1824 à Anizy-le-Château, Albert Carrier-Belleuse est le fils de Louis-Joseph François Carrier-Belleuse, notaire à Anizy et de Louise-Françoise Eulalie Eudelinne son épouse.

 

      Après le décès de son père en 1834, le jeune Albert alors âgé de dix ans  est pris en charge par des cousins de la famille: le physicien François  Arago et son frère Etienne. 

Il vivra alors à Paris.

 

       A l'âge de 16 ans il entre à l'école des Beaux-Arts où son talent de sculpteur est rapidement remarqué.

 

       Il fut l'un des artistes les plus prolifiques du Second Empire.

       Il eut Auguste Rodin pour élève

 

Voir ci-dessous : - l'acte de naissance d'Albert Carrier-Belleuse

                            - Sa maison natale

                                                                                        - deux exemples de ses créations artistiques

 

L'an Mil huit cent vingt quatre  le douze juin heure de midi.

 

Pardevant nous Jean Baptiste Prosper

Paul Maire du bourg d'Anizy-le-Château faisant

les fonctions d'officier public de l'Etat civil dudit Anizy.

Est comparu Me.Louis Joseph François Carrier-

Belleuse âgé de vingt-sept ans, notaire demaurant à

Anizy le Château

Lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin

né cejourd'hui à deux heures du matin.de lui comparant et de

Dame Louise-Françoise Eulalie Eudelinne  son épouse âgée de

vingt et un ans, auquel enfant il a déclaré donner le prénom d'Albert

Présentation et déclaration faites en présence des

sieurs Jean Michel Dumont âgé de quarante cinq ans

tailleur d'habits et Jean Baptiste André Gaide âgé de

trente sept ans tous deux demeurant à Anizy

Dont acte que ledit M. Carrier et les témoins ont signé

avec nous après lecture faite le jour et an susdits.

 

                                                                                             signatures :     Carrier Belleuse         Gaide    Dumont

 

 

 

 

 

 

 

    La maison natale d'Albert Carrier-Belleuse fut détruite en 1917, puis reconstruite au m^me emplacement..

 

    Notons que jusqu'à une date récente les notaires qui se sont succédé à Anizy-le-Château occupaient cette maison. .   

 

Alexandre Dumas par Carrier-Belleuse
Alexandre Dumas par Carrier-Belleuse

 

 

 

Deux sculptures de Carrier-Belleuse

 

 

Buste de Napoléon III par Carrier-Belleuse
Buste de Napoléon III par Carrier-Belleuse